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Mangane

 Mangane

Dans une industrie qui se repaît des jeunes premiers, Mangane a de quoi dénoter. Il aura soixante ans en 2024, et il s’apprête à publier un premier disque produit par un label, à l’heure où d’autres envisagent la retraite. Ce qui n’est pas pour déplaire aux plus curieux qui devraient s’y retrouver tant cet afro-jazz n’est pas tout à fait dans le droit sillon des classiques du style. Non, c’est plutôt dans les chemins buissonniers que s’inscrit la musique de Zoom Zemmatt - qui donne son nom à l’album -, en une dizaine de titres qui rassemblent les sédiments d’une vie passée en musiques, au pluriel de son suggestif.

Et pourtant, ce n’était pas écrit d’avance pour celui qui est né à Thiès, grande cité à une heure de route de Dakar et épicentre de la construction du chemin de fer dans la sous-région, dans une lignée familiale d’agriculteurs. Son père est cheminot, sa mère gère le foyer.

Aux premières heures de l’Indépendance, la tradition qui veut que la musique soit exercée par des griots est prégnante, mais le jeune Ousseynou - son prénom, Mangane étant son nom - va néanmoins comme d’autres oser s’aventurer dans ce qui n’est alors pas vraiment un métier.

"J’ai grandi dans un quartier peuplé des gens de la sous-région, Nigériens comme Maliens, venus travailler à la construction du chemin de fer.

Dans cette ambiance pluriethnique, il y avait tout le temps des activités culturelles, et c’est comme ça que je suis arrivé dans la musique ! Encore gamin, il y verra le mythique Rail Band de Bamako, entre autres. Et y sera bercé par les musiques afrocubaines, celle des Baobab, Number One et autre Star Band. Sans compter le Dieuf Dieul et le Royal Band, dans un versant plus traditionnel, deux band de Thiès.
Et à la même époque, j’ai commencé à écouter aussi les musiques afroaméricaines et anglaises. Jazz, blues, folk, pop, tout passe dans les oreilles de ce jeune qui suit des cours de théâtre au collège, une leçon d’humilité dira-t-il bien plus tard, et tâte de la guitare grâce à de ses oncles. C’est d’ailleurs chez lui qu’il s’installe lorsqu’il part vivre à Dakar au début des années 1980. Xalam et Touré Kunda sont alors deux sources d’inspiration pour celui qui intègre le conservatoire à 22 ans, où il va apprendre le balafon auprès d’un maître, Balla Doumbia, ainsi que les rudiments de guitare classique. La guitare, il y tient, tant et si bien qu’il n’est pas rare alors qu’il en joue façon air guitar. Un jeune frère, traduisez un ami du même quartier de Dakar, va du coup lui donner une vieille sixcordes. Il m’a aussi offert un livre sur les accords, somme toute de quoi commencer à s’y mettre sérieusement, en autodidacte."

Dès lors, tout s’accélère pour celui qui a déjà monté un groupe avec de jeunes amis, entre compos originales et reprises décalées. D’autres expériences en ce début des années 1990 suivront, mais c’est avec Nakodjé, dont il est un des membres fondateurs en 1996, que sa destinée change de braquet. Ce groupe, dont le nom signifie le potager, va lui offrir l’occasion d’exprimer tout le potentiel de sa personnalité musicale. C’était un travail atypique de recherche : on cherchait à concilier le traditionnel et le moderne, en mettant en avant des instruments comme le balafon, la flûte peulhe, la calebasse, et en les utilisant autrement que lors des réunions traditionnelles. La sanza, un instrument originaire d’une Afrique plus australe, y aura toute sa place, auprès des batterie, basse et sax.

Très vite, ce groupe en fusion, où ladite modernité se conjugue naturellement à la tradition, connaît un bel écho au Sénégal, et même au-delà en Afrique de l’Ouest. Et bientôt en Europe où sort un disque dès 1998. C’est d’ailleurs après une tournée en Suisse, qu’il pose pour la première fois les pieds à Limoges, convié par le festival Les Francophonies. "En arrivant à la gare j’ai tout de suite été conquis par cette ville ! Il y restera un mois et demi, multipliant les concerts et ateliers pour les enfants". Bientôt il y rencontrera l’amour.

Trois ans plus tard, en 2001, Mangane s’y installe définitivement. C’est le début d’une nouvelle vie synonyme de carrière solo. Au coeur de la France, le Sénégalais va rencontrer des musiciens du cru, tout en développant Guêw bi, ballade musicale sénégalisée, un projet d’éveil musical aux cultures d’Afrique avec les petits qui perdure vingt ans plus tard. Toutes ses expériences vont alimenter sa propre verve, comme en atteste un premier album autoproduit en 2011. Lann la, (texto Y’a quoi ?), rencontre un premier succès d’estime. Ce qu’aurait dû confirmer en 2019, Lëkkëlô (texto le lien). Las le Covid ne laissera injustement pas sa chance à ce second album produit à ses frais d’avoir le rayonnement souhaité.

Quatre ans plus tard, le revoilà dans les bacs donc, avec un album qui bénéficie enfin du soutien de toute une équipe des plus aguerries, à commencer par Jean- Michel Leygonie qui en tant que programmateur du festival Éclats d’Email Jazz a invité plusieurs fois Mangane sur scène. Cette fois, c’est en qualité de patron du label Laborie Jazz qu’il lui propose d’aller en studio en novembre 2022. "Et quand Jean-Michel m’a demandé de voir avec qui travailler, j’ai proposé notamment le nom d’Alune Wade. Nous sommes évidemment tombés d’accord !"

Pour être son cadet, le bassiste, compositeur et arrangeur, Alune Wade, va néanmoins lui apporter son expérience en la matière, assurant les arrangements des sessions tout en lui suggérant les musiciens adéquats.
On a fait des réunions préparatoires, où il m’a proposé des pistes d’arrangements et d’orchestrations. Outre les deux Sénégalais, on y retrouve le guitariste Anthony Jambon, le percussionniste cubain Inor Sotolongo, le batteur Benjamin Naud, le saxophoniste Hugues Mayot, le trompettiste cubain Carlos Sarduy Dimet et Valérie Belinga au choeur. Le riche casting en dit déjà long sur les intentions esthétiques de ce disque, une ouverture qui se joue au-delà des clichés qui collent à la peau de l’afro-jazz. C’est vraiment une nouvelle étape, où je bénéficie de l’expertise de ces formidables musiciens. Certes, mais ses paroles empruntes d’humilité ne doivent pas masquer ses propres qualités. Celles d’un auteur compositeur qui trace son chemin loin des autoroutes téléguidées. Une seule note peut me faire partir pour aller à la rencontre d’une mélodie !


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